Thématique et axes
Apprendre à (s)'évaluer : quels paradigmes et quels leviers pour soutenir la formation dans une perspective de professionnalisation des métiers ?
Dans la perspective ouverte par ce qui précède, le comité scientifique du colloque de l’ADMEE-Europe de 2026 souhaite que celui-ci puisse être une plateforme de rencontres et de débats permettant de gagner une meilleure vision et compréhension des expériences en cours et des défis actuels, voire des perspectives d’évolution à venir. Nous souhaitons, dans cette perspective, favoriser le dialogue entre les divers mondes de la recherche, de l’économie et de la politique, en espérant que se familiariser avec les savoirs et connaissances existants permettra non seulement de mieux comprendre les priorités et analyses de chacun·e, mais également d’ouvrir le champ aux compréhensions et solutions nouvelles dans le domaine de l’évaluation.
Axes
Axe 1 : Apprentissages scolaires disciplinaires et transversaux
Dans les rénovations de curriculum réalisées ces dernières décennies, la préoccupation de l’évaluation des élèves était omniprésente. Pourtant, elles n’ont guère permis de régler le problème de l’importance qui est accordée à l’évaluation fondée sur la mesure, au détriment de celle orientée vers une évaluation-soutien d’apprentissage, mettant fin à « l’indifférence aux différences » prônée par la sociologie de l’éducation des années 1980. À cet égard, il est intéressant d’interroger la banalisation des débats suite au choc suscité par les premiers résultats de PISA, ainsi que le redimensionnement des réformes ayant tenté d’introduire une meilleure individualisation des parcours de formation en restructurant l’organisation du travail par l’introduction des cycles et les terminologies véhiculées autour de l’école inclusive. Dans ce cadre, la question de l’évaluation adaptée aux élèves à besoins éducatifs particuliers devient centrale : comment évaluer équitablement sans reproduire des inégalités ? Quels outils permettent une évaluation formative qui soutient réellement les apprentissages de toutes et tous ? Autrement dit : si dans les classes, les pratiques d’évaluation ont évolué - et continueront à évoluer sous l’influence de l’IA entre autres - il convient à repérer et à promouvoir celles qui s’avèrent les plus favorables en vue d’une régulation optimale des apprentissages des élèves.
Axe 2 : Formation professionnelle initiale et continue
Dans ce domaine, de considérables énergies ont été investies durant ces dernières années pour déterminer les référentiels de compétences et développer de nouvelles modalités d’évaluation. Cela inclut également la formation des enseignant·es, formatrices et formateurs à des pratiques évaluatives inclusives, leur permettant de mieux accompagner les apprenant·es en situation de handicap ou en difficulté d’apprentissage. Il serait intéressant de proposer un « état des lieux » des acquis et d’explorer de futures pistes de travail, notamment dans le domaine de l’évaluation du sentiment d’autoefficacité des (futur·es) professionnel·les, de manière à dépasser le « gap » persistant entre les intentions de former des institutions et les ressentis des formé·es confrontés à la complexité de leur métier. En lien avec l’axe 1 ci-dessus, il serait également pertinent de s’interroger sur le décalage entre les intentions de former des institutions de formation et les réalités du monde du travail traités par l’axe 3) ; autrement dit de poser la question de l’existence (ou non) d’un dialogue fécond entre ces deux entités, alors qu’elles sont souvent séparées par des profonds désaccords épistémologiques, philosophiques ou pour le dire autrement, de visions de la réalité et des besoins fort diverses.
Axe 3 : Monde du travail, point de vue individuel ou collectif
La formation à l’évaluation est un levier essentiel pour les responsables de la formation et des ressources humaines, qu’elles et ils travaillent dans le public ou le privé. Elle leur permet de mesurer la performance des employé·es et de leur fournir des retours constructifs. Elle est également indispensable pour fixer des objectifs adaptés et éclairer les choix stratégiques en matière de gestion et de formation. Dans ce domaine, il pourrait être utile de mettre l’accent sur les compétences permettant non seulement d’évaluer le travail d’autrui, mais également de savoir identifier les effets profonds et parfois négatifs des méthodes et du climat de travail sur le bien-être, la progression et la santé mentale des travailleuses et travailleurs. Former à l’évaluation les responsables en milieu professionnel implique une réflexion critique sur les pratiques existantes et leur évolution. Cela implique aussi d’intégrer des outils d’évaluation favorisant l’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap, en ajustant les critères d’évaluation aux capacités et compétences individuelles. Dans une perspective de favoriser l’apprentissage tout au long de la vie, de prendre en compte les besoins évoluant avec l’âge des personnes concernées, de manière à leur permettre d’être acteurs face à l’évolution du marché du travail et en regard de leurs propres projets de vie.
Axe 4 : Projets, programmes et politiques publiques
Dans le domaine de l’évaluation des projets ou des programmes, la formation des évaluatrices ou évaluateurs est à interroger pour veiller à ce que les évaluations ne se limitent pas à un simple constat des résultats, mais offrent une compréhension approfondie des facteurs de succès et des axes d’amélioration. Il s’agirait à ce propos de questionner les manières d’évaluer des programmes, des formations, des dispositifs, des projets en cours et à venir, non seulement en fonction de critères définis par des politiques publiques, des lois ou des normes spécifiques, mais également par leur capacité à prendre en compte des apports des nouvelles technologies et, notamment, des connaissances produites dans le domaine de la psychologie du travail. En complément, il conviendrait d’examiner comment les méthodologies d’évaluation peuvent être adaptées pour mieux appréhender la diversité des contextes et des publics concernés. Une attention particulière pourrait être portée à l’évaluation participative, qui implique les bénéficiaires dans le processus d’évaluation afin de garantir une analyse plus fine des impacts et des besoins réels. De plus, l’intégration des principes de l’évaluation inclusive et humaniste permettrait de mieux prendre en compte les dimensions d’équité et d’accessibilité dans l’élaboration et l’amélioration des projets et des politiques publiques.
Axe 5 : Développement de la qualité, certification et accréditation
Dans les organismes de certification ou d’évaluation externe, la formation à l’évaluation est cruciale pour former les évaluatrices ou évaluateurs aux standards et aux protocoles d’évaluation de la conformité aux normes ou aux objectifs internes. Dans cet axe, il s’agirait de s’intéresser à la manière d’appliquer des critères et indicateurs prédéfinis, de réaliser des audits et de produire des rapports d’évaluation. Mais il pourrait être pertinent également de mener une réflexion critique sur les dangers de « bureaucratisation » de certaines démarches d’évaluation déléguées à une « noosphère » fort éloignée des réels besoins des acteurs du terrain. L’évaluation des dispositifs de certification et d’accréditation gagnerait à s’ouvrir davantage à des approches qualitatives, complémentaires des critères quantitatifs souvent prédominants. Il serait pertinent d’explorer comment les référentiels de qualité peuvent évoluer pour mieux refléter les réalités du terrain et favoriser des démarches plus flexibles et adaptatives. De plus, la formation des évaluatrices et évaluateurs devrait sans doute intégrer une réflexion éthique sur leur rôle, notamment sur l’impact de leurs décisions sur les pratiques professionnelles et sur les établissements évalués. Une perspective comparative internationale pourrait également enrichir la compréhension des standards et des processus d’évaluation appliqués dans différents contextes.
Réseaux thématiques
Les réseaux thématiques s’inscrivent dans des objectifs de prospective scientifique. Il s’agit de promouvoir la recherche en évaluation au plan international en tenant compte des mutations des sociétés, des évolutions des systèmes éducatifs et de formation, des transformations qui affectent le monde du travail.